Le plateau de Chavenay
L’aérodrome est construit entre les agglomérations de Chavenay, Plaisir, les Clayes-sous-Bois, Grignon et Feucherolles sur une terre agricole fertile.
Son sous-sol calcaire a donné les pierres nécessaires à la construction du Château de Versailles. Des galeries sont creusées pour extraire les pierres de taille, qui sont ensuite remontées à la surface à l’aide d’une roue tournant entre deux arches en pierres. On peut toujours voir ces structures à six cent mètres au nord de la Ferme de Grignon lorsqu’on décolle en piste 28. Le chemin par lequel les chevaux halaient les pierres existe toujours. Il longe le terrain parallèlement à la piste 10/28, se prolongeant jusqu’au château.
Les galeries servent ensuite de champignonnières. Elles ne seront jamais rebouchées. La Résistance envisage de les utiliser comme caches d’armes pendant la seconde guerre mondiale, avant de trouver un emplacement plus accessible. Leur entrée se situe dans le bois en descendant vers la ferme de Mort Moulin.
Comme dans la plupart des régions agricoles, la terre de Chavenay est avant tout exploitée pour nourrir ceux qui la cultivent. On y trouve des pommes de terre, du blé, de l’orge, de la betterave fourragère, et de la luzerne pour nourrir les chevaux. En 1920 une sucrerie est créée dans le village de Chavenay et le plateau est recouvert de betteraves sucrières jusqu’en 1933, année de la faillite de l’entreprise.
Origine du terrain de Chavenay
L’aérodrome est créé l’année du front populaire. Dès 1930, une enquête publique est lancée pour étudier l’opportunité de la création d’un aérodrome sur le plateau de Chavenay.
En 1935, autorisation est donnée aux experts d’entrer dans les propriétés. En 1936, un arrêté du Ministère de la Guerre porte création de l’aérodrome, suivi des arrêtés préfectoraux réglementant l’activité du terrain.
L’Armée utilise le terrain pour ses besoins, tout en autorisant l’Aviation Populaire, dont la section locale est fondée par Paul Ducellier, à y évoluer.
Dès 1937, le premier bâtiment est construit. Il s’agit du hangar à toit arrondi qui abrite aujourd’hui le GEPAS.
Le terrain devient un but de promenade le dimanche.
Le 29 janvier 1938, Chavenay est classé annexe du terrain de Saint-Cyr et une école de formation des pilotes militaires y est ouverte. L’Etat interdit alors le terrain à la circulation aérienne publique, à l’exception des avions des trois aéroclubs qui y sont basés.
En 1939, un second bâtiment identique au premier s’élève en face de lui. Ce bâtiment sera démantelé par les riverains pour se procurer des matériaux durant l’occupation.
Le 26 mars 1939, une grande manifestation aéronautique populaire est organisée au profit des enfants des écoles.
A l’approche des hostilités, les appareils bimoteurs du Camp de Frileuse et de Chavenay commence à s’entraîner au combat aérien, et les deux sites se bombardent mutuellement au plâtre…
Puis c’est la guerre. L’entraînement au combat s’intensifie, On voit des Lucioles, des Potez, des bimoteurs Leo 20. Les fermes avoisinantes sont réquisitionnées pour loger les aviateurs et leurs ordonnances. Il y aura beaucoup de pilotes de Chavenay abattus pendant la guerre.
De la guerre aux années 60, l'âge d'or du terrain
A peine ouvert, le terrain de Chavenay est fermé par les allemands car jugé inutile. Les occupants préférent occuper les terrains de Beynes et de Persan-Beaumont.
Ils louent alors le terrain à M. Soyer, fermier de Brétechelle, qui y fait paître ses 500 brebis, ce qui évite ainsi une trop grande détérioration du lieu. Les moutons resteront chargés de l’entretien du terrain jusque dans les années 65-70.
La région est encore très agricole, avec une forte activité ovine. Le nom « claye » vient des barrières utilisées pour enclore les moutons. Le village des Clayes-sous-Bois est passé de 311 à 2000 habitants entre 1911 et 1935. De son côté, Chavenay n’est encore qu’un ensemble de fermes qui exploitent les terres alentours.
Un champ de planeurs
En août 1944, la population entière de la commune de Chavenay participe à la remise en état du terrain. Après la reddition de 1945, l’aérodrome passe sous l’autorité du Ministère des Transports et retrouve son activité civile.
Le vol à voile débute fin 1945, suivi du vol à moteur à l’été 1946, avec l’aéroclub Gaston Caudron. La section vol à voile, créée en 1934, avait pu cacher son Luciole F-AOFX aux Mureaux durant la guerre. Récupéré ensuite, il est aujourd’hui exposé au Musée de l’Air et de l’Espace du Bourget.
L’usine Caudron d’Issy-les-Moulineaux ayant été bombardée, les ateliers d’assemblage des Goéland sont installés pour quelques années dans des hangars de Chavenay dont celui du GEPAS.
En 1956, des Goéland sont encore utilisés pour la liaison et l’entraînement au pilotage des équipages d’Air France. Ces appareils affichent alors quelque vingt-deux ans de carrière et se portent encore très bien. Le C-440 Goéland, bimoteur de 440 CV peut transporter 6 passagers à 260 km/h.
La première carte VAC (juin 1946)
Chavenay était encore en Seine et Oise et n’avait pas encore de code OACI.
On peut voir que l’urbanisation a bien évolué !
Ouverture à la CAP (Circulation Aérienne Publique)
Il faut attendre 1947 pour que Chavenay soit ouvert à la circulation aérienne publique.
Le terrain n’a pas encore de pistes matérialisées. C’est un immense champ sur lequel les planeurs et avions se posent en fonction de la direction du vent, ce que l’on appelle un champ d’aviation.
Les anciens parlent encore aujourd’hui de camp d’aviation.
Le terrain est un lieu de rencontres pour les riverains des villages voisins, qui viennent prendre un repas sur l’herbe en regardant évoluer les avions. Les pilotes n’hésitent pas à offrir des baptêmes de l’air aux jeunes des environs. Mme Buchère se souvient de son premier vol en Storch, un « avion formidable » dit-elle.
Les planeurs sont remorqués par des Stampe et des Caudron Luciole, puis par des Storch et des Morane Saulnier 317. On les tire aussi avec des voitures comme dans « La Grande Vadrouille ». Les lâchers se font sur des planeurs Emouchet.
Le père de Mme Buchère travaille comme menuisier chez Caudron, à l’entretien et à la réparation des planeurs. Il se charge également d’aller chercher les planeurs qui « sont allés aux vaches ». Ces atterrissages en campagne, ainsi que les lâchers, sont l’occasion de nombreux arrosages. M. Buchère emmène fréquemment des jeunes parisiens faire leur baptême de l’air sur le terrain.
En 1949, le gouvernement crée par ordonnance « Aéroport de Paris (ADP) », organisme auquel il donne la responsabilité d’exploiter les aérodromes de la région parisienne avec effet rétroactif au 20 novembre 1948.
Le club de vol à voile « Groupe l’Air » en provenance de Saint-Cyr, s’installe à Chavenay. Le « Record de France de distance à but fixé et retour » y est alors battu par Henri Lambert, sur Air 100.
Devant le développement du vol à voile par les deux clubs pratiquants, un centre interclubs est créé. Chavenay est alors devenu le plus grand centre vélivole de France.
La DTCAN (Direction Technique des Constructions Aéronautiques et Navales) y installe une activité d’essais en vol sur des planeurs, qui sont logés dans le hangar aujourd’hui occupé par le CAMI.
Un poisson d'avril qui ne fait rire personne
Pour ranger les très nombreux planeurs présents sur le terrain, décision est prise de construire un grand bâtiment au centre du terrain. Le 1er avril 1952, les ouvriers, qui ont quasiment terminé ce hangar, partent déjeuner au village. Un orage violent éclate, si dévastateur que le toit s’envole et que les murs s’écroulent. Les personnes présentes sur le terrain courent au restaurant prévenir les ouvriers, mais ceux-ci croient à un poisson d’avril ! Quelle n’est pas leur surprise en découvrant la réalité : tout leur travail est réduit en miettes.
Le hangar est alors reconstruit. Mais il est à nouveau démoli l’année de la mise en service de l’aéroport de Roissy.
L’activité vélivole se transfère peu à peu de Chavenay vers Beynes, où elle devient importante vers 1960, tandis que se développe une activité avion sur le terrain. Les planeurs quitteront définitivement le terrain en 1973-1974.
De la fin des années 60 aux années 80
Reflet de l’histoire de l’aviation générale, la période est faste en heures de vol mais de plus en plus soumise à restrictions, surtout en région parisienne.
C’est durant cette période qu’une opposition croissante va s’installer entre les riverains et les usagers de l’aérodrome, du fait de l’augmentation du trafic des avions sur la plateforme.
Chavenay aurait pu devenir Toussus-le-Noble
Aux environs de 1969, ADP étudie un projet dénommé « Grand Chavenay », qui vise à créer un aérodrome de l’importance de Toussus-le-Noble, dédié aux voyages et activités d’affaire, avec service météo, approche IFR, et pistes en dur.
Les riverains réagissent avec énergie en multipliant les manifestations.
Le Ministre des Transports de l’époque met un terme définitif au projet alors qu’il est déjà bien avancé.
L'arrivée des promoteurs
En 1972, les promoteurs immobiliers s’intéressent à la situation de Chavenay. A cette époque, la vogue est aux Country-clubs, résidences pavillonnaires construites autour d’un golf et de diverses activités sportives haut de gamme, très prisées des cadres supérieurs qui travaillent à Paris.
St-Nom-la-Bretèche et son golf ayant connu un succès extraordinaire, Feucherolles suit la même voie et les terrains approchent de la saturation. Chavenay n’est encore qu’un petit village agricole. Mais sa position, juste après St-Nom, sur la N307, en fait une cible rêvée pour les investisseurs, qui construisent une importante résidence dans le haut de Chavenay.
Les prospectus de l’époque mentionnent bien la présence de l’activité d’un sport aérien. Mais lorsque les futurs acquéreurs viennent visiter la maison de leurs rêves, ils ne constatent qu’un ballet de planeurs silencieux et sont immédiatement rassurés. Mais plus pour très longtemps…
Cette même année 1972 voit une complète restructuration de l’aérodrome, avec la création d’un deuxième front de hangars, le resurfaçage et le remodelage des pistes, la mise en place d’une station d’essence. La création d’un troisième front de hangars au nord et d’un restaurant est rapidement abandonnée, en raison des contraintes et des redevances imposées par ADP. Plusieurs études de marché sont menées ensuite en vue de l’implantation d’un restaurant : elles démontrent que cette activité ne serait pas viable sur le plan financier.
Chavenay en pleine Zone A
L’ouverture de Roissy en 1973 a des conséquences importantes sur le terrain. L’espace aérien en région parisienne est restructuré en zones proches de celles que nous connaissons aujourd’hui, à ceci près que le plafond de la zone allouée au VFR à Chavenay est à 1500 pieds seulement.
Impossible dans ces conditions de continuer l’activité planeurs. Ceux-ci quittent le terrain et se répartissent entre Beynes, Mantes, Bailleau et Buno, plateformes disposant d’un plafond plus élevé et de dérogations pour pénétrer dans l’espace aérien supérieur.
Les cartes VAC signalent l’arrêt définitif de l’activité planeurs à Chavenay le 15/09/1974.
Le désarroi des riverains
Cet événement est le point de départ du mécontentement des riverains. Auparavant, les planeurs tournaient au nord (coté Chavenay), les avions au sud (coté Plaisir). La prolifération des constructions verticales dans les villes de Plaisir, de Villepreux et des Clayes-sous-Bois, qui porte la population de la zone sud à plus de 15000 habitants, rend indispensable le passage des circuits avion au nord, où il n’y a que 4 à 5000 habitants.
Les nouveaux résidents qui ont acheté leur maison dans un coin calme avec planeurs découvrent le son des moteurs, sans grand plaisir. Le trafic est très important, avec l’utilisation de quatre bandes. En comparaison, un samedi actuel serait considéré comme une journée calme !
La tour de contrôle
L’activité est tellement importante en cette période faste qu’ADP fait construire en 1976 une tour de contrôle. En théorie, un contrôle est mis en place à partir de 50 000 mouvements et une étude montre une pente d’activité ascendante. L’effectif des contrôleurs est fixé en fonction des services à rendre et de la plage d’ouverture des services. La conjoncture de l’époque est excellente sur le plan financier. Aujourd’hui la situation serait différente. Coulommiers par exemple, effectue plus de 50 000 mouvements annuels mais n’a toujours pas de tour de contrôle. Il est vrai que si ADP est l’exploitant du terrain, les contrôleurs sont des fonctionnaires du Ministère des Transports rémunérés par le budget annexe de l’Aviation Civile, lequel est alimenté par les redevances des compagnies aériennes. Celles-ci se demandent du reste pourquoi elles payent pour notre activité, mais ceci est un autre débat.
Deux pistes en moins
La plus grande année de Chavenay est 1977, où l’aérodrome recense 143 000 mouvements. De quoi faire craquer les habitants des communes environnantes, qui mettent la pression sur leurs élus.
Devant ces riverains en colère d’avoir perdu leurs planeurs pour des avions bruyants, le Ministère des Transports prend la décision en 1979 d’interdire l’utilisation simultanée de deux bandes parallèles, espérant ainsi réduire le nombre de mouvements. Il demande également aux usagers de l’aérodrome de faire moins de bruit, moins de mouvements, et moins de tours de piste répétés le dimanche.
ADNAC et AUDACE
Les riverains créent alors l’ADNAC (Association de Défense contre les Nuisances de l’Aérodrome de Chavenay). Cette association engage des procédures juridiques à partir de 1988, dans le but de faire fermer le terrain. Pour faire face, les aéroclubs de Chavenay s’unissent au sein de l’association AUDACE (Association des Usagers De l’Aérodrome de Chavenay et de son Environnement). L’affaire est dans les mains des juristes. La justice tranchera finalement en 1999 pour le maintien de l’activité aéronautique à Chavenay.
Les relations s’apaisent ensuite progressivement grâce à un dialogue régulier entre l’AUDACE et l’ADNAC, sous l’autorité du Maire de Chavenay, et grâce aux efforts consentis du côté des pilotes et des aéroclubs : respect des tours de piste, installation de silencieux sur les avions non équipés, créneau horaire pour les tours de piste répétés le dimanche (exclusion entre 12h30 et 15h00).
Un équilibre s’est finalement installé. Mais il faut rester vigilant et continuer à cultiver le respect et la compréhension mutuels afin que soit préservée la tranquillité des riverains, tout en assurant la pérennité de l’activité aéronautique de Chavenay.
Cette activité est entre autres choses source de nombreuses vocations chez les jeunes vers les passionnants métiers de l’aéronautique.
L’AUDACE travaille également à faire participer l’aérodrome à la vie locale : installation de ruches sur le terrain, journée de découverte des métiers de l’aéronautique…
L’ensemble de ses actions est à découvrir sur : https://www.audace-chavenay.fr/
Rédacteur : Yves Gondre